Les Vagabonds du rail - Jack London
" J’ai souvent songé que c’est à cet entraînement particulier de mes jours de vagabondage que je dois une grande partie de ma renommée de conteur. "
En 1894, à tout juste dix-huit ans, Jack London devient un hobo, l'un de ces vagabonds qui montent clandestinement à bord des trains afin de se déplacer. A travers les Etats-Unis et le Canada, l'auteur, récemment converti au socialisme, observe et s'indigne. Cette expérience lui servira plus tard à écrire Les Vagabonds du rail.
Certains chapitres sont plutôt légers. Ils décrivent comment les vagabonds du rail parviennent à se faufiler dans les wagons. Cela nécessite une habileté incroyable tant les cheminots ont pour ordre et pour habitude de les déloger. Comme le note l'auteur dans son livre, chasser les vagabonds est le gagne-pain de nombreux employés, qu'ils soient policiers ou contrôleurs.
Ce mode de vie pourrait paraître solitaire, mais les vagabonds du rail forment une véritable communauté. Les hobos ont des codes, des surnoms et des itinéraires codés. Ils jouent parfois à se poursuivre en laissant des traces de leur passage.
Il ne faut cependant pas oublier que cette impression de liberté qui se détache des aventures ferrovières de London est indissociable d'une misère certaine. Les ventres grognent et le froid pénètre la chair de ces sans-abris.
Ils sont pourchassés sans relâche et méprisés. Ainsi, nous passons trente jours en prison avec l'auteur. Jack London, comme tous les vagabonds arrêtés en même temps que lui est condamné à cette peine pour "vagabondage". Le juge prononce la sentence sans prendre la peine d'écouter les accusés. Celui qui a en plus l'audace d'avoir quitté son travail avant de prendre la route voit sa peine doublée. On le sait, les pauvres sont des fainéants...
Bien que l'organisation de la société, qui saigne les plus faibles, répugne Jack London, ce dernier se montre aussi impitoyable vis-à-vis de ses co-détenus. Devenu "homme de confiance" de la prison, il forme avec les autres membres de cette espèce (qu'il critiquera violemment dans Le Vagabond des étoiles) une nouvelle classe de puissants et exploite les simples prisonniers.
" Songez donc ! Treize contre cinq cents ! Nous ne pouvions dominer que par la terreur ! Nous ne tolérions ni la moindre infraction au règlement ni la plus légère insolence, sans quoi nous étions perdus. Notre principe général était de frapper un détenu dès qu’il ouvrait la bouche, de le frapper durement, et avec ce qui nous tombait sous la main. L’extrémité d’un manche à balai appliqué en plein visage produisait d’ordinaire un effet des plus calmants. Mais ce n’était pas tout. De temps à autre il fallait faire un exemple. Aussi notre devoir était-il de courir sur le délinquant. Tous les prévôts circulant à proximité venaient aussitôt se joindre à la poursuite : cela faisait partie du règlement. Dès qu’un homme de hall se trouvait aux prises avec un convict, tous ses camarades étaient venus lui prêter main-forte. Peu importe qui avait raison : on devait frapper, et frapper avec n’importe quoi, en un mot, maîtriser l’homme. "
Les vagabonds ne sont pas uniquement des rigolos jouant au chat et à la souris avec les employés des chemins de fer. Il leur arrive de battre à mort des ivrognes pour les voler.
Ils ont également des revendications et parviennent à s'organiser. London nous livre ainsi une anecdote qui ne doit plus être connue de grand monde aujourd'hui. En 1893, lorsqu'une crise économique frappe les Etats-Unis, les chômeurs décident de se rassembler et de marcher sur Washington afin d'obtenir l'aide du gouvernement. Participant à ce mouvement, l'auteur raconte le racket que la nuée de vagabonds exerce sur les villes croisées. Evidemment, dans cette histoire, il est difficile de blâmer complètement le comportement des marcheurs.
Un livre plutôt intéressant qui reprend les thématiques chères à l'auteur mais qui n'a clairement pas la puissance des autres écrits de l'auteur que j'ai lus ces derniers temps.
Thélème. 4h37.
Lu par Julien Allouf.
1907 pour l'édition originale.