Pauline Sachs - Alexandre Droujinine
A peine sortie de l'institution religieuse qui a fait son éducation, la jeune Pauline épouse Constantin Sachs, âgé d'une trentaine d'années, devenu fonctionnaire après un passé militaire. Les deux époux s'aiment, mais ne se comprennent pas, chacun cherchant à modeler l'autre selon son bon vouloir. Lorsque l'ancien amoureux de Pauline arrive à Saint-Petersbourg, le ménage des Sachs se met à vaciller.
Voilà un roman surprenant et délicieux, qui nous fait déplorer l'absence d'autres écrits d'Alexandre Droujinine. Un bon conseil, ne lisez surtout pas la quatrième de couverture de ce livre, elle dévoile un événement certes essentiel, mais qui intervient à la toute fin du roman.
Pauline Sachs est un roman épistolaire, avec toutefois quelques chapitres où l'auteur reprend les rênes de l'histoire, ce qui le rend très vivant et facile à lire.
Droujinine s'amuse à brouiller les cartes. Les lettres échangées par Pauline et son amie sont pleines de sentiments passionnés. Si l'on ajoute son premier amour contrarié et le fait que son mariage ait été essentiellement arrangé par son père, on pense rapidement à une histoire romantique. En fin de compte, si le triangle amoureux est prêt et les rôles a priori distribués dès le début, la construction du roman repose sur un arrangement astucieux qui surprend le lecteur et rend Pauline Sachs bien plus profond qu'il n'y paraît. Encore plus que Pouchkine, qui s'amusait à intervenir entre deux passages sur les états d'âme de ses héros dans Eugène Onéguine, Droujinine se joue du romantisme.
Avec ce livre, il pose la question de l'éducation des femmes. Sachs fait peur lorsqu'il évoque Pauline, l'appelant "mon enfant". Pourtant, il déplore la façon dont les femmes sont éduquées, arrivant à l'âge adulte incapables de se comporter de façon mature. On leur demande de glousser, d'être mignonnes, dévouées, plutôt idiotes en fait. Pauline agit de façon stupide, mais c'est dû à son éducation, qui tient les jeunes femmes dans l'ignorance, pas à une absence d'esprit. Quant à Sachs et Galitzki, ils ne préfigurent pas Karénine et Vronski, quoi qu'on imagine au premier abord.
Il m'aura fallu longtemps pour me plonger dans la littérature russe, mais je prends un immense plaisir à découvrir ses auteurs depuis quelques mois. Si vous chercher à pénétrer ce domaine en douceur, Pauline Sachs, avec ses inspirations françaises et anglaises, est une valeur sûre.
L'avis de Cécile.
Phébus Libretto. 185 pages.
Traduit par Michel Niqueux.
1847 pour l'édition originale.