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lilly et ses livres
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20 juin 2012

Précoce automne - Louis Bromfield

precoce-automne-9782859406233_0C'est le soir, et un bal est organisé par Anson et Olivia Pentland, en l'honneur de leur fille Sybil, qui revient de pension. Cette soirée marque aussi le retour de Sabine, une parente dont le franc-parler fait trembler la tante Cassie et Anson.
Cependant, Olivia se sent au contraire de son époux stimulée par ce retour. Après avoir vécu vingt ans à jouer les maîtresses de maison parfaites aux Pentlands, elle rêve de changer sa vie et d'offrir à sa fille la possibilité d'être heureuse.

Précoce automne est un de ces romans qui vous envoûte dès les premières pages. Un sentiment de délectation nous prend alors qu'on déambule aux Pentlands, et que l'on suit les personnages dans leurs réflexions alors qu'ils voient leur petit univers qu'ils voudraient immuable bouleversé. Les Pentlands, cette grande famille, qui mène la danse depuis très longtemps, n'accepte pas de voir son influence menacée par des nouveaux venus, à commencer par O'Hara, cet Irlandais, d'origine très populaire, qui a osé s'acheter des terres.
Les vieux dossiers ressortent également tous en même temps. A travers Sabine, une divorcée que l'on trouve trop peu soucieuse des intérêts de sa famille. Mais il y a aussi ce cousin enclin à provoquer des scandales, qui a la mauvaise idée de mourir, et surtout vouloir se faire enterrer dans sa terre d'origine, après avoir été exilé en France par les siens pendant des années. La vieille folle dans le grenier (ou plutôt de l'aile nord) décide aussi de contribuer à faire tomber la façade qui recouvre la famille. Enfin, Jack, l'héritier malade, agonise.

On parle aussi de mariage, de raison et d'amour. Louis Bromfield s'en prend très durement à l'éducation des jeunes filles, qui  les prive de toute chance de connaître le bonheur conjugal. Olivia et Anson n'ont jamais fait que jouer à être amoureux, et encore, sans trop se forcer, ni sans essayer de faire durer l'illusion. Sabine y a perdu l'homme de sa vie. Je n'ose imaginer la vie conjugale de Tante Cassie. Quant à la belle-mère d'Olivia, elle ne s'est jamais remise de sa nuit de noces. Les hommes ne sont pas beaucoup mieux lôtis, entre John qui a élevé le sentiment de culpabilité au rang d'art de vivre et Anson qui se contente d'être apathique en toutes circonstances.

Tout semble sur le point d'exploser, Olivia paraît prête à échapper à ce précoce automne dont parle le titre, et pourtant. J'ai aimé que ces personnages prêts à tout remettre en cause se révèlent souvent bien moins novateurs qu'ils ne le laissent penser. Ca me fait souvent rager, mais je pense que c'est bien plus réaliste ainsi. On pense à Edith Wharton en lisant ce livre. Il y est d'ailleurs clairement fait allusion. Le monde décrit ici est le même que celui qu'on observe dans Chez les heureux du monde, plein de craquelures mais encore capable de résister et de détruire ceux qui tentent d'y échapper.

" - Ne vous fiez pas trop à Sabine, insinua t-il en se redressant tout à fait dans son fauteuil. Elle est des nôtres malgré tout. Elle ressemble beaucoup à ma soeur Cassie, beaucoup plus que vous ne pouvez l'imaginer. Voilà pourquoi elles se détestent tant. On pourrait dire que Sabine c'est tante Cassie retournée. Toutes deux ne reculeraient devant aucun sacrifice pour créer de maux ou des malheurs dont le spectacle les intéresserait. Elles vivent des émotions des autres."

Une belle découverte.

C'est Titine qui m'avait donné envie de lire ce livre. Romanza en parle aussi très bien.

Phébus. 287 pages.
Traduit par A. Baillon de Wally.
1926 pour l'édition originale.

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9 juin 2012

L'affaire Jennifer Jones - Anne Cassidy

affaire_jennifer_jonesAttention, je crois que je me suis un peu trop lâchée sur l'histoire ! Si vous détestez les spoilers, ne lisez pas mon billet !

Alice Tully, jeune anglaise de dix-sept ans, est arrivée il y a six mois dans son nouveau chez elle, qu'elle partage avec Rosie. Elle a un travail de serveuse, un petit-ami, et elle s'apprête à entrer à l'université. Pourtant, depuis quelques jours, elle collectionne les coupures de presse évoquant la remise en liberté de Jennifer Jones, condamnée à l'âge de dix ans à six années de prison pour le meurtre de sa meilleure amie.

Evidemment, on comprend dès les premières pages qu'Alice Tully et Jennifer Jones ne sont qu'une seule et même personne. La tension monte alors jusqu'à la fin du livre, qui se dévore d'une traite.
Avec des allers-retours dans le temps, Anne Cassidy nous fait plonger dans la peau de cette adolescente qui a commis l'irréparable. Ce livre pose ainsi la question de la cruauté de l'enfance, de la responsabilité des enfants alors qu'ils sont à un âge où on refuse de penser qu'ils ont quelque chose à voir avec la mort ou la souffrance.
Anne Cassidy s'interroge aussi sur la façon dont un enfant devient un meurtrier. Le devient-on vraiment d'ailleurs ou naît-on ainsi ? Lorsqu'on découvre Jennifer Jones âgée de six à dix ans, on trouve un contexte familial instable. Après le meurtre, l'attitude de Carole Jones, la mère, est encore plus pitoyable.
Jennifer n'a jamais eu d'amis quand elle rencontre Lucy et Michelle. Avec elles, elle découvre le plaisir d'avoir des gens avec qui passer du temps, se confier, mais aussi les souffrances de l'amitié. Ce qui se passe, bien qu'horrible, semble banal et logique, et c'est sans doute le plus terrifiant. Ces comportements d'enfants, ces vexations, on les a tous connus.

"Le silence s'installa. Hésitante, Jennifer resta sans bouger. Puis, ravalant ses larmes, elle parcourut du regard les arbres, l'eau et les rochers. C'est à ce moment-là qu'elle vit un chat sortir furtivement des buissons. Il resta un instant près de la boîte en fer vide. Un chat sauvage. Ses os saillaient à travers son mince pelage, comme un squelette, sous la lumière du soleil. Il leva une patte et se mit à la lécher avec délectation.
Il était témoin. Il avait tout vu."

Nous n'aurons pas plus de réponses concernant le meurtre et l'on fait complètement l'impasse sur les années qui suivent.
Bien entendu, dans le présent, le lecteur ne peut que prendre le parti d'Alice/Jennifer, et s'allier avec Jill et Rosie pour la protéger. La jeune fille a été cachée de tous, on lui a offert une nouvelle identité, pour qu'il n'y ait pas deux vies complètement gâchées. Pourtant, l'image de Michelle la hante. Tout au long du livre, elle refuse le bonheur, et culpabilise quand il vient. Le pardon est un autre thème du roman. Celui des autres est  évoqué par le biais de la chasse à l'homme entreprise par les journalistes. Cela laisse entendre qu'il ne faut pas compter dessus, l'Angleterre n'étant vraiment pas un modèle dans ce domaine. Quant à celui que Jennifer peut (ou pas) s'accorder à elle-même, il hante sa nouvelle vie.

J'ai apprécié que les choses ne soient pas simplistes, ni trop faciles ni trop dures, que le livre soulève autant de questions sans donner une réponse précise. 

Décidément, cette collection Macadam est d'excellente qualité*. Elle nous offre des textes traitant de sujets difficiles et souvent très abordés en littérature qui sortent du lot. Je n'en ai pas beaucoup parlé dans mon billet, mais ce roman bénéficie d'une construction complexe et d'un style qui font largement de ce roman un très bon livre.

Cette lecture a été un véritable coup de coeur pour moi.

Manu et Ys ont aussi adoré.

*Promis, je n'ai pas d'actions chez eux !

Milan. 312 pages.
Traduit par Nathalie M.-C. Laverroux.
2004.

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