Cosmos ; Witold Gombrowicz
Folio ; 220 pages.
Traduit par Georges Sedir.
1964.
Le narrateur, brouillé avec sa famille, décide de louer une chambre dans un village avec Fuchs, un autre jeune homme en quête d'apaisement. Les choses commencent mal, avec la découverte par les deux hommes d'un moineau pendu, vraisemblablement par un adulte, à proximité de la pension de famille où ils décident de louer une chambre. Dans le même temps, notre narrateur décèle un lien entre la bouche de Catherette, la servante, et celle de Léna, la fille des propriétaires de la maison.
Les points de départ de cette histoire sont complètement absurdes, et j'imagine que vous avez haussé les sourcils en lisant mon résumé. Pourtant, j'ai compris en lisant Cosmos pourquoi tout le monde sauf moi connaît Gombrowicz depuis toujours. J'ai adoré Les Envoûtés, Cosmos est une révélation.
Je pense que je suis loin d'avoir compris ce texte, mais il m'a captivée de bout en bout. Ici, tout est encore plus travaillé, plus subtil que dans Les Envoûtés. Ce dernier texte a été écrit avant tout pour distraire un large public, et c’est l’intrigue, aux multiples rebondissements, qui donnait du rythme à l’ensemble.
Cosmos est un roman dans lequel il ne se passe presque rien, mais qui donne exactement le sentiment inverse grâce à l'écriture de Gombrowicz. Il règne une ambiance malsaine dans ce texte, et la plume de Gombrowicz prend un plaisir évident à tendre le récit et à jouer avec l'absurde afin de renforcer cette impression. Il martèle les réflexions répétitives de son narrateur, crée des personnages qui usent étrangement du langage, s’attache à creuser tous les détails, et nous fait pénétrer dans une réalité totalement tronquée, car vue à travers les yeux d’un individu perturbé. Les points de départ de cette histoire semblent absurdes car il ne s'agit que d’infimes détails, mais ils permettent à Gombrowicz de construire une analyse très fine de la psychologie humaine.
L'infiniment petit domine, mais il prend des proportions énormes quand on le voit à travers les obsessions de notre narrateur. Un moineau pendu devient un véritable crime, de simples mouvements des mains deviennent suspects, des traits sur les murs deviennent des flèches indiquant d’autres méfaits, et le lecteur se laisse embarquer le plus naturellement du monde dans cette sorte de roman policier sans éléments liés rationnellement, sans victime et sans meurtrier. A quoi bon tout cela ? A montrer que les interprétations d’un seul individu, victime d’ennui (comme le suggère Fuchs), de délires obsessionnels, et de désir passionnel et glauque, peuvent lier entre eux des événements indépendants, faire exploser un cocon, et manipuler à merveille le lecteur.
Il y a sans doute beaucoup plus dans ce livre, mais il faudra certainement que j’approfondisse davantage ma connaissance de Gombrowicz pour le voir. Les auteurs que j'apprécie le plus sont ceux qui semblent avoir des obsessions que l'on retrouve d'un livre à l'autre. Ils me donnent la sensation de chercher des réponses qu'ils ne trouvent jamais, et en bonne curieuse, j'ai envie de chercher avec eux. Gombrowicz doit être de ceux-là. Ainsi, comme dans Les Envoûtés, la correspondance entre les éléments, les personnes et les événements occupe une place capitale, et ce qui est orphelin lui déplaît profondément.
J'ai peur de vous donner l'impression que ce texte est un joyeux n'importe quoi, ou qu'il s'agite beaucoup pour pas grand chose. C'est totalement faux. Il y a quelques semaines, je ne connaissais même pas Witold Gombrowicz de nom, mais Cosmos fait déjà partie de mes livres favoris.
Levraoueg a aussi aimé tout en étant déconcertée. Dominique nous livre diverses interprétations de ce grand roman.