Une rose pour Emily ; William Faulkner
Folio ; 21 pages.
Traduit par M.E. Coindreau.
1930. V.O. : A rose for Emily.
Je n'aime pas vraiment les nouvelles, mais cet extrait de recueil (un peu étrange de la part de l'éditeur, non ?) est le premier livre de Faulkner que j'ai acheté, et contrairement aux apparences, je tente parfois de diminuer ma PAL. Il était prévu que je lise les quatre nouvelles, mais Une rose pour Emily m'a tellement impressionnée que j'ai reposé mon exemplaire pour reprendre mon souffle.
Miss Emily Grierson vient de mourir dans sa maison de Jefferson. Elle était un objet de curiosité pour toute la ville, en raison de ses excentricités, qui donnaient lieu à des ragots étranges autour de sa personne.
Ce texte fait vingt pages, mais il est tout simplement parfait. Pas de chronologie et de narration fortement brouillées ici, mais la maîtrise est comme toujours là.
Cette nouvelle très fraîche dresse un portrait drôle et bouleversant à la fois d'une drôle de dame. Je me suis fais la remarque en lisant cette nouvelle qu'on rencontrait décidément des individus étranges à Jefferson, avant de réaliser que, pris séparément, on pourrait tous faire l'objet d'une étude de la sorte...
Pour en revenir à Miss Emily, elle m'a fascinée. Impossible de ne pas penser à la Miss Havisham de Dickens, lorsque l'on pénètre dans cette maison où le temps semble s'être arrêté, où un amoureux a disparu. "On aurait dit qu'un voile mortuaire, ténu et âcre, était déployé sur tout ce qui se trouvait dans cette chambre parée et meublée comme pour des épousailles, sur les rideaux de damas d'un rose passé, sur les abat-jour roses des lampes, sur la coiffeuse, sur les délicats objets de cristal, sur les pièces du nécessaire de toilette avec leur dos d'argent terni, si terni que le monogramme en était obscurci." Coup du sort, j'ai aussi lu cette phrase de La Dame blanche de Christian Bobin cette semaine, qui évoque Emily Dickinson : "Personne dans la ville d'Amherst n'a vu son visage depuis un quart de siècle." Si Miss Emily m'a autant travaillée, c'est parce qu'on n'apprend finalement rien sur elle, étant donné que le portrait reste extérieur, et que la chute, non seulement ne répond pas aux questions du lecteur, mais en pose même de nouvelles.
On est ici dans le glauque et le glaçant, et pourtant, Une rose pour Emily est surtout un texte tendre, qui me laisse penser pour la première fois que même Faulkner avait ses moments de faiblesse (exprimés de façon étrange, certes).
Je me suis maintenant lancée dans Les palmiers sauvages, qui est très prometteur pour l'instant !