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Edition Le Livre de Poche ; 94 pages.
2,75 euros.

"Prisonnier des nazis, Monsieur B., en dérobant un manuel d'échecs, a pu, à travers ce qui est devenu littéralement une folle passion, découvrir le moyen d'échapper à ses bourreaux. Libéré, il se retrouve plus tard sur un bateau où il est amené à disputer une ultime partie contre le champion Czentovic. Une partie à la fois envoûtante et dérisoire... Quand ce texte paraît à Stockholm en 1943, Stefan Zweig, désespéré par la montée et les victoires du nazisme, s'est donné la mort l'année précédente au Brésil, en compagnie de sa femme. La catastrophe des années quarante lui apparaissait comme la négation de tout son travail d'homme et d'écrivain. Le joueur d'échecs est une confession à peine déguisée de cette désespérance."

La première fois que j'ai lu ce livre, je devais avoir quatorze ans, et j'ai été bouleversée. Il n'y a pas de violence physique dans ce livre, ce qui le différencie de presque tout ce qui a été écrit sur le nazisme. Et pourtant, on est peut-être davantage choqué par Le joueur d'échecs que par tout le reste. Parce que Zweig, avec ce livre, va au plus profond, au plus noir de la nature humaine. Celle-ci n'a aucune limite lorsqu'il s'agit de faire du mal. L'histoire débute sur un bateau, où se trouve un champion d'échecs, ce qui oriente les activités des passagers vers ce jeu. A un moment, un homme intervient. Il joue extrêmement bien aux échecs, pour une raison que Stefan Zweig se met à nous exposer. Après l'arrivée des nazis au pouvoir, cet homme a été arrêté. Il est simplement enfermé dans une pièce, sans même recevoir de coups. Pourtant, la torture psychologique qu'il subit est insoutenable, et va peu à peu le rendre fou. Il n'a absolument rien à faire de son temps, ses seuls contacts avec l'extérieur sont les interrogatoires auxquels il est soumis. Un jour, il parvient à dérober un livre. Quand il s'aperçoit qu'il s'agit d'un manuel sur les échecs, il est déçu, mais doit s'en contenter. Mais ce qu'il avait trouvé comme échappatoire va être un moyen encore plus fort de le torturer.
Quand Stefan Zweig a écrit ce livre, la Deuxième Guerre mondiale n'était pas encore finie, elle atteignait même le sommet de l'horreur. Ceci est peut-être la raison pour laquelle le personnage de son histoire s'en sort. Imaginer la barbarie nazie avec seulement des intuitions, c'est impossible même pour un génie comme Zweig. Ou alors, il a quand même voulu laisser un espoir à l'Humanité, même si lui-même a laissé tomber.