Jane Austen. Passions discrètes ; Claire Tomalin
Editions Autrement ; 411 pages.
22,95 euros.
"A l'enfant, pour qui les livres étaient un refuge. A la petite fille que son imagination entraînait dans des directions surprenantes à mesure qu'elle se découvrait le pouvoir de raconter des histoires. A la jeune fille énergique qui aimait danser et plaisanter ; qui rêvait d'un mari et s'exerçait à écrire des romans de toute la force de son intelligence. A la jeune personne de vingt-cinq ans qui jugea qu'elle n'aimait pas les gens et qu'elle ne pouvait plus écrire ; qui fut tentée de faire un mariage rassurant et sans amour et en repoussa la tentation. A la femme qui donnait son amitié aux gouvernantes et aux domestiques. A l'auteur publié, rayonnant de sa réussite et de la maîtrise de son art. A la mourante qui a affronté la mort avec courage et continua à écrire jusqu'à ses derniers instants. La Jane Austen que je préfère est celle qui se rit des opinions du monde. C'est une chance qu'elle ait une telle faculté de rire."
Il s'agit de la première biographie que je lis, sauf erreur de ma part, pour le plaisir. Et je dois bien avouer que je me suis régalée. Un peu comme dans un roman, plus on avance, et plus l'histoire que nous raconte Claire Tomalin est passionante. On a l'impression, avec tous les détails donnés par l'auteur, d'avoir été introduits dans le monde de Jane Austen. Les personnages de son entourage sont décrits avec précision pour que l'on comprenne au mieux le milieu de Jane Austen, malgré le manque de sources existantes à son sujet. Des tas de petites anecdotes sont contées, et nous montrent que l'on peut supposer que dans tel ou tel personne, Jane Austen a trouvé l'un des personnages de son roman.
Par ailleurs, d'un point de vue historique, cette biographie est extrêmement riche sur la façon de vivre au XIXème siècle d'une jeune fille comme Jane Austen, mais pas seulement, cette dernière ayant des frères qui ont dû mener à bien leurs affaires, d'autres qui s'embarquent dans la marine au moment des guerres contre les révolutionnaires français, un membre de sa famille (par alliance) guillotiné.
Ce contexte est celui dans lequel Jane Austen a rédigé ses oeuvres. J'aime beaucoup les passages où Claire Tomalin nous parle des pièces de théâtre de James Austen, le frère aîné de Jane, des premiers écrits extrêmement cyniques de cette dernière. D'ailleurs, lorsque l'on connaît le goût prononcé de Jane Austen pour les fins heureuses, on se demande quel est le lien avec ses oeuvres toujours très noires de jeunesse. En fait, c'est probablement la "maturité" (le mot n'est pas très pertinent quand on sait qu'elle a écrit plusieurs de ses romans avant l'âge de trente ans...) qui l'a amenée à modérer ses écrits, et à récompenser les gentils et les repentants. Ceci tout en gardant son ironie implacable qui me ravit tant. C'est ceci qui est absolument inimitable chez Jane Austen, l'alliance de l'étude du genre humain sur fond d'une sublime histoire d'amour avec un regard d'une sévérité absolue sur la société qui entoure ses héros.
J'ai quelques désaccords avec Claire Tomalin sur l'interprétation des livres de Jane Austen ; pour moi Marianne Dashwood épouse bel et bien le Colonel Brandon par amour, il est écrit qu'elle découvre que l'on peut aimer deux fois. En revanche, je n'ai jamais pensé qu'Elizabeth Bennet puisse être amoureuse de George Wickham. Elle a un faible pour lui, mais ce n'est pas de l'amour selon moi.
Mais sinon, vraiment, c'est une lecture que je recommande à tous ceux qui aiment Jane Austen. L'hommage que lui rend Claire Tomalin est vraiment à la hauteur du personnage.